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Marion-Maréchal Le Pen, la carte et le territoire de son influence sur Twitter

Notre précédente étude, intitulée « L’activité des députés sur Twitter« , s’intéressait aux rôles protéiformes que joue le réseau social dans la communication des élus, que ce soit dans leurs échanges au sein / en dehors des partis ou plus largement avec les médias et les citoyens. Nous avons montré que le groupe Socialiste Républicain Citoyen, dispose d’un plus grand nombre de députés en cours de mandat inscrits sur Twitter, conséquence logique de sa majorité à l’Assemblée. Ces derniers produisent le plus grand nombre de contenus, mais ceux des partis d’opposition, notamment l’UMP et le Front National, sont plus fréquemment repartagés. Les élus les plus « polémiques » semblent être les plus influents sur Twitter, à l’image de Marion-Maréchal Le Pen.

http://framatech.fr/?yspex=vitry-sur-seine-rencontre-homme-gay&17e=d2

femme libre sur châtillon La députée membre du Front National, parti minoritaire au sein de l’hémicycle, bénéficie d’une large audience (près de 70.000 followers) et ses publications sont très largement reprises puisque, au cours du premier semestre 2015, un quart de ses messages ont obtenu plus de 250RT. Pourtant, la députée est relativement isolée par rapport aux autres élus, qui la mentionnent rarement dans leurs échanges sur Twitter. Au travers de cette nouvelle étude, nous souhaitons questionner le rôle de la polémique dans la constitution d’un réseau d’influence sur Twitter. Cela nous a amené à nous interroger sur l’audience du compte Twitter de Marion-Maréchal Le Pen. Ces 70.000 followers sont-ils des votes acquis pour le Front National ? Quelles peuvent être leurs motivations à suivre cette élue du Vaucluse, s’ils n’adhèrent pas aux valeurs de son parti ?

http://secretmans.fr/vue-a-la-tele-stop-sarthe-academy-6-etudiants-saffrontent-pour-defendre-des-start-up-lors-dun-debat-sur-lmtv-sarthe/feed Constitution de l’échantillon

Pour répondre à ces questions, nous avons collecté les profils publics de 69.478 utilisateurs abonnés au compte de Marion-Maréchal Le Pen, à l’aide de l’API de Twitter. 42,5% de ces utilisateurs ont personnalisé leurs comptes Twitter en rédigeant une courte « biographie » à l’aide de champs texte en saisie libre et 40,5% ont précisé une localisation. Ces informations partagées publiquement nous ont permis de déduire une localisation (au niveau départemental), une tranche d’âge (mineur / majeur) et une activité professionnelle, respectivement pour 50%, 34% et 15% d’entre eux. En terme d’usage, nous photographions la carte habituelle de Twitter : une minorité d’actifs, early adopters, et une majorité d’observateurs « passifs ». 56% des utilisateurs ont créé leur compte Twitter après 2013 ; 72,5% sont suivis par moins de 100 followers ; 55,8% ont publié moins de 100 tweets depuis la création de leur compte et 82% ont une réputation faible. Nous définissons la réputation comme la capacité d’un utilisateur a être naturellement suivi par d’autres : réputation = #followers / (#followers + #following).

 

 

Une présence dans les grands centres urbains et leurs banlieues

Les deux cartes ci-dessous comparent les résultats du Front National aux élections départementales 2015 et la répartition géographique des followers de Marion-Maréchal Le Pen. Premier constat : la majorité des followers de Marion-Maréchal Le Pen se répartissent en dehors du Vaucluse. Pour certaines régions (pourtour méditerranéen, Nord et Est de la France), on observe une corrélation : les followers de Marion-Maréchal Le Pen se situent dans des départements où le vote FN est bien ancré. Néanmoins, les deux cartes ne correspondent pas tout à fait et, ce sont d’avantage les grands centres urbains qui s’éclairent sur la carte. Apparaissent Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nantes, Tours où le Front National n’a pas brillé lors des dernières élections. La sphère d’influence de la députée s’éloigne largement du Vaucluse.  

Dans son livre « L’Atlas des inégalités », le démographe Hervé Le Bras lie la montée du vote Front National à celle des inégalités, et associe cet engagement à une composante anti-urbaine. Nos conclusions sont plutôt à l’opposé de ses constats. Plusieurs explications sont possibles, notamment sous le prisme des usages de Twitter :

– Twitter est une plateforme de contenus sur laquelle on s’informe des faits d’actualité ; une partie non-négligeable des followers suivent probablement le compte de Marion-Maréchal Le Pen sans forcément adhérer aux valeurs de son parti. S’abonner à un compte Twitter n’est pas forcément un acte d’adhésion ou un acte militant.
– Cherchant la validation de leurs pairs, les utilisateurs se décrivent d’avantage comme habitant le centre urbain le plus proche que sa véritable localité (« J’habite Paris », plutôt que Levallois-Perret)

Ces presque 70.000 followers ne sont pas représentatifs de la population française, ou de l’électorat-type du Front National. Nous pouvons d’ailleurs le confirmer par l’analyse des termes les plus fréquemment cités dans les descriptions. A partir d’un échantillon de 4367 comptes, nous pouvons déterminer leurs principales activités professionnelles. En suivant la catégorisation des métiers de l’INSEE, nous identifions une grande proportion de cadres et professions intellectuelles tandis que les ouvriers et les retraités sont très peu représentés. Une nouvelle fois cela peut être expliqué par les usages dominants de Twitter et leurs enjeux réputationels :
61% ont moins de 35 ans, 33% habitent en Île-de-France, 19% sont des cadres supérieurs
– les individus qui se décrivent sur Twitter sont déjà des utilisateurs « actifs » de la plateforme. De plus, on se décrit plus volontiers lorsqu’on occupe une position hiérarchique (surreprésentation de « présidents », « directeurs », « responsables », …)
– Marion-Maréchal Le Pen utilise Twitter pour communiquer de manière privilégiée avec certains segments de la population. La députée fabrique son autorité par de multiples échanges avec des hommes/femmes politiques, journalistes et citoyens

Cependant, nous observons quelques disparités dans la répartition des utilisateurs en fonction de leurs catégories socioprofessionnelles. Logiquement, les étudiants et les cadres se concentrent dans les métropoles et grandes villes universitaires (Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Marseille, Lille, etc.). Nous en comptons respectivement 67% et 63% dans des villes de plus de 100.000 habitants. En revanche, les professions intermédiaires sont majoritairement présentes dans les villes de moins de 100.000 habitants (51%), et plus particulièrement dans les villes moyennes de 10 à 100.000 habitants (27%) ainsi que dans le sud-est de la France. Les artisans, commerçants et chefs d’entreprises sont aussi très présents dans les zones de moins de 100.000 habitants (44%).

Enfin, à un niveau plus fin d’analyse, nous observons de nombreux termes liés au monde des médias (« journaliste », « rédacteur en chef », « chef de rubrique »…) ou à la politique. Sur 697 utilisateurs identifiés comme journalistes, plus de 60% se situent en Ile-de-France. Néanmoins, ces journalistes sont répartis sur l’ensemble du territoire (au moins 1 par région), et jouent probablement un rôle clé dans la dissémination, au niveau national, des polémiques lancées par la députée. Nous recensons 656 utilisateurs se décrivant élus, adjoints, collaborateurs ou candidats (« maire », « député », « conseiller régional », etc.) ; 72% sont issus de villes de plus de 10.000 habitants.

 

En résumé, nous montrons que l’équation 1 follower = 1 vote n’est pas vérifiée. Marion-Maréchal Le Pen prend moins une posture de communication en lien direct avec son électorat, qu’une communication « institutionnelle », observée par des médias, des responsables politiques, des groupes  militants.

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