Notre nouvelle étude s’intéresse aux usages digitaux des députés français en cours de mandat, à l’Assemblée Nationale. Twitter est un outil massivement adopté par le monde politique, et notre étude montre que 72,6% des députés disposent d’un compte Twitter.
Les usages de Twitter dans la sphère politique ont été abondamment décrits au cours des dernières années, y compris en France lors des dernières présidentielles. En mai 2012, le cabinet d’études Semiocast recensait plus de 450 personnalités politiques inscrites sur Twitter, François Hollande en tête avec près de 2 millions de tweets le concernant postés par plus de 265 000 utilisateurs. De fait, les cinq personnalités politiques les plus visibles et qui recevaient le plus de commentaires sur Twitter étaient les candidats arrivés en tête au premier tour de la présidentielle, et dans le même ordre.
L’adoption de Twitter par les députés français est indéniable et revendiquée. En effet, ce site de réseautage et de publication de contenu est un outil gratuit, accessible à tous, sur simple inscription, que le monde politique espère mettre au service d’une « démocratie directe et participative ». En six mois, les députés ont publié 121.642 tweets (dont 66.328 messages originaux), 65,5% des députés en cours de mandat se sont exprimés sur Twitter entre le 1er janvier et le 31 mai 2015 ; 90,4% des députés disposant d’un compte Twitter ont publié au moins un tweet sur la même période. Il convient de s’interroger sur les raisons qui poussent ces acteurs du monde politique à s’exprimer sur cette plateforme.
Twitter introduit de nouveaux usages digitaux appliqués au monde politique. Il fluidifie la production informationnelle à l’aide d’un format court et des technologies mobiles, permettant, par exemple, aux députés de publier des informations directement depuis l’hémicycle ou d’interpeller / d’être interpellés par les citoyens, les médias, les autres responsables politiques, … Ci-dessous, le graphe illustre la corrélation entre les prises de paroles très régulières des députés et l’utilisation du hashtag #directan, indiquant que le député publie « en direct de l’assemblée nationale »
L’activité des députés sur Twitter est étroitement liée au calendrier politique. Nous observons une sur-activité de ces comptes en périodes électorales. Par exemple, plus d’un tiers des députés disposant d’un compte Twitter en 2015 l’ont créé dans l’année précédant les élections présidentielles de 2012. Les élections départementales et régionales sont au cœur des débats en ce premier semestre 2015
Dans l’absolu, les forces politiques en présence dans l’hémicycle sont représentées de manière égale sur Twitter : les groupes SRC et UMP sont les principaux créateurs de contenus. Néanmoins, en proportion, on note que certains partis semblent plus actifs et plus représentés : 100% des députés Non-Inscrits ont adopté Twitter, 88,9% pour le groupe Ecolo contre seulement 40% pour la Gauche Démocrate et Républicaine. Les tweets de l’UMP, des Ecologistes et des Non-inscrits sont particulièrement repartagés.
Twitter est un canal de communication qui est mis au service de stratégies d’influence. C’est pourquoi, nous avons choisi de mesurer « l’influence » de chaque député à partir de deux indicateurs : l’impact des publications et la réputation du député. Les deux indicateurs prennent des valeurs allant de 0 à 1. L’impact est relatif au volume d’interactions (RT et favoris) obtenus par les publications du député, tandis que la réputation est liée au ratio abonnés / abonnement du compte. Ainsi, la majeure partie des députés peuvent être considérés comme des utilisateurs « influents » sur Twitter (masse en haut à droite du graphique).
Nous observons une surreprésentation des Non-Inscrits dans ce classement. Nous pouvons expliquer la présence en première position de Marion Maréchal Le Pen par deux facteurs : le caractère polémique de ses prises de paroles, ainsi que l’audience drainée par son compte Twitter (65,4K abonnés). Cette dernière truste le classement des tweets les plus repris : 9 messages dans le top 10, un quart de ses messages ont obtenu plus de 250RT.
Les rapports de force entre partis politiques sont concrètement observables sur le réseau social en modélisant les citations des différents groupes politiques (à partir des mentions et des hashtags contenus dans les tweets des députés). On observe alors que la plupart des citations s’effectuent au sein même de ces groupes (récursivité) et que trois formations s’opposent très fréquemment (UMP, SRC, Ecolo).
Lorsque l’on modélise l’ensemble des mentions des députés, au niveau de granularité le plus fin, nous observons ces échanges entre députés. La position de Claude Bartolone au sein du réseau est très évocatrice de son rôle de président de l’Assemblée Nationale puisqu’il est très fréquemment cité. Vous pouvez consulter deux graphes interactifs, identiques mais modélisés différemment : version standard, version circulaire.
En ajoutant à ces modélisations les hashtags et les mentions de comptes Twitter autres que ceux des députés, on note la prédominance de certains médias (BFM TV, iTele, LeMonde…), très fréquemment cités en relais d’actualités ou plus directement interpellés en plus de responsables politiques de tous bords (membres du gouvernement Hollande, Alain Juppé, …). L’ensemble de ces relations peut être consulté grâce à ce graphe interactif, afin de rendre le graphe lisible, nous avons filtré les relations de moindre importance.
Méthodologie :
A l’aide de l’API publique mise à disposition par Twitter, nous avons collecté les tweets publiés sur les comptes officiels des députés en cours de mandat. Un jeu de données de 121.642 tweets a été constitué, contenant uniquement les messages publiés entre le 1er janvier et le 31 mai 2015. Nous avons croisé ces données avec des informations descriptives de chaque député (parti, groupe, place dans l’hémicycle…), issues du site NosDéputés.fr. Les analyses portent uniquement sur les contenus originaux produits par les députés (66.328 messages), excluant les repartages (retweets
Données
Nous partageons les données agrégées de cette étude ainsi qu’une infographie ; ces documents sont librement téléchargeables.