Si les Français ne citent le mobile comme support d’écoute favori que dans 4% des cas, les plus jeunes (15-24 ans) utilisent leur portable pour écouter leurs catalogues de chansons dans une proportion bien plus importante (13%). Le mobile, en tant qu’objet de la sphère intime et hyperconnecté, permet d’assurer l’écoute de musique à tous les moments de la journée et toutes les occasions, même dans les environnements les plus restrictifs (transport, bureau, voyage,…). Pour le marketing de l’industrie du disque, le mobile peut représenter une opportunité de toucher un public jeune, notamment en le surprenant dans des environnements divers et en engageant un discours de proximité avec lui. Je vous propose un cas d’étude issue de mon expérience personnelle, le groupe de fusion rock / metal Furykane.
[source : Sacem, sondage « Les Français et la musique »]
Résumé du dispositif
Furykane est un groupe de musique parisien indépendant jouant un style de musique de niche, fusionnant un chant crunk sur des instrumentales rock-metal. Historiquement, le public habituel de Furykane se compose de nostalgiques de la scène néo du début des années 2000, âgés de 25 à 35 ans. Forts de plus d’une centaine de concerts, Furykane a pu observer au cours de ces dates une carence des tranches d’âges plus jeunes (13-24 ans) et souhaitait recruter de nouveaux fans au travers d’un dispositif original pour promouvoir la sortie de son premier album, FaKe, en mars 2011.
Un mois avant la sortie de l’album, Furykane a lancé une web app mobile proposant de télécharger le single du groupe (« Bliss ») et de le partager avec ses amis. La web app est toujours accessible depuis l’url http://m.furykane.net
Une appli mobile ou une web app ?
Furykane étant un groupe indépendant ne disposant que d’un budget minime pour la sortie de son album, la promotion et le marketing au moment de la sortie étaient presque égal à zéro. Le prix d’une licence de développeur et l’accompagnement d’une agence ou d’un freelance développeur étant hors budget, le groupe a réuni ses compétences en interne pour concevoir une web app mobile ne nécessitant que quelques connaissances en HTML et un peu d’imagination. Le dispositif que je vous présente aujourd’hui est donc entièrement lié à une démarche « Do it yourself » et facilement réplicable en s’appuyant sur les moyens de promotion dont dispose le groupe (« owned media » vs « paid media »).
Une application mobile aurait permis d’envisager un dispositif plus évolué (intégration d’un player dans l’appli) et surtout de générer des revenus complémentaires pour le groupe (achat de l’album au format numérique). En revanche, une application embarquée sur le téléphone aurait fait perdre au dispositif toute sa flexibilité en terme de communication.
Communiquer autour de la web app
Produite à coût zéro et sans modèle d’affaire, la web app mobile ne représente aucun enjeu financier pour le groupe. Cependant, pour obtenir des résultats concrets de ce dispositif largement mis en avant comme nous allons le décrire plus tard, il est essentiel de bien définir son plan de communication.
La communication autour de la web app débute un mois avant le lancement de l’album, suite aux dévoilements de quelques extraits de l’album et de vidéo live de nouveaux titres. Elle est le premier support permettant de télécharger gratuitement un titre complet de l’album bénéficiant d’une exclusivité afin de pousser naturellement son usage. Quelques jours plus tard sera lancée une application Facebook proposant des fonctionnalités similaires mais ne permettant de télécharger qu’une nouvelle version d’un titre déjà présent sur le précédent EP du groupe.
La promotion de la web app s’effectue en premier lieu à l’aide de média « gratuit » et d’annonces sur le site web du groupe, sa page Facebook, son Myspace, son Twitter, les sites des partenaires, etc. ainsi qu’au travers d’une modeste campagne sur Google Adwords (une vingtaine d’euros). Cependant, ces publications ont un effet modeste sur la consultation de la web app puisque la consultation de ces annonces se fait depuis l’écran PC. Il faut donc réussir à faire basculer l’audience du groupe vers l’écran mobile.
Furykane utilisera donc une autre « innovation », le QR code, sorte de code barre à scanner avec son mobile et qui pointe vers une URL. Furykane va se servir de ce « marqueur » pour l’apposer sur l’ensemble de ses supports de communication :
– un onglet Facebook sert de point de base de la communication puisque le groupe retient toute sa communauté sur cette page. Face à la nouveauté de ce type de dispositif, le groupe décide d’accompagner sa communauté dans l’usage de la web app (comment y accéder ? avec quels types de mobiles ? comment partager le morceau avec ses amis ?). C’est le deuxième rôle de cet onglet.
– Furykane a dépensé aussi quelques euros en publicité pour être présent dans un magazine partenaire et a profité de cette occasion pour promouvoir la web app sous la forme d’une offre partenaire.
– le QR code étant réplicable facilement sous le format d’un sticker, à l’aide d’une simple imprimante noir & blanc et de papier autocollant (10€), le groupe a pu produire 800 stickers qu’il distribue sur ses stands.
En plus de cela, au moment du lancement de l’album, Furykane profitera de son meilleur moyen de communication pour promouvoir la web app : l’objet en magasin. En plaçant un sticker sur l’album en bac, le groupe va faciliter la diffusion de sa musique et disposer d’un moyen d’augmenter la rétention de ses prospects en magasin. Une fois le titre téléchargé, le client du magasin peut le réécouter à volonté et donc prendre le temps de se décider avant d’acheter et revenir en magasin.
Quels sont les résultats du dispositif ?
En moins de deux mois, le groupe a généré plus de 3000 téléchargements de son single et on observe une augmentation d’environ 15% des membres de la tranche d’âge 15-25 ans sur leur page Facebook (cœur du dispositif).