Voici un petit retour sur mes lectures de fin d’année afin de vous présenter des ouvrages que je juge essentiels : Le destin des générations de Louis Chauvel, Egocratie et Démocratie d’Alban Martin, La démocratie Internet de Dominique Cardon, Le Sacre de l’Amateur de Patrice Flichy et La Galaxie Gutenberg de Marshall McLuhan.
http://distillerie-perigord.com/?kstroma=rencontre-femmes-sur-sarcelles&609=30 Le destin des générations – Structure sociales et cohortes en France du XXe siècle aux années 2010, Louis Chauvel, PUF, 2010
Réédition d’un ouvrage majeur dont la première édition fut publiée en 1998, Le destin des générations présente une analyse systématique de la structure sociale en France en soulignant l’existence de clivages générationnels. C’est en lisant un article particulièrement pertinent sur LeMonde.fr, « Les jeunes sont mal partis », daté du 3 janvier 2011, que je me suis intéressé à son auteur, Louis Chauvel. Professeur à Sciences Po Paris et chercheur à L’Observatoire sociologique du changement et à L’Observatoire français des conjonctures économiques, Louis Chauvel aborde une question politique sous un œil nouveau par rapport à ma vision de néophyte en ce domaine. Dressant un portrait assez sombre de l’avenir des jeunes générations (ou plus précisément de ces « cohortes »), et tout particulièrement la mienne entrant dans le monde du travail en pleine période de crise, Louis Chauvel soutient la thèse de la nécessité d’une « politique des générations » visant à soutenir les jeunes générations n’ayant pas connu les Trente Glorieuses dans la même dynamique sociale que leurs aînées (multiplication des diplômes sans dévalorisation, mobilité sociale ascendante, salaires et revenus croissants, meilleure protection sociale, etc.). Le destin des générations est un ouvrage complet pour ceux qui cherchent à prendre du recul par rapport aux décisions politiques court-termistes en analysant les causes et les conséquences de la rupture de la dynamique apportées quelques décennies plus tôt par les Trente Glorieuses tout en tâchant d’opposer deux termes « valises » : générations et classes. Cet ouvrage est passionnant et mérite une lecture attentive.
http://palawork.it/?charka=incontri-senza-iscrizione&2c5=21 Egocratie et démocratie, Alban Martin, FYP, 2010.
Après l’Age de Peer (mis à jour et réédité en 2010 sous le titre « Et toi tu télécharges ? »), Alban Martin s’intéresse de nouveau à l’impact des technologies numériques sur notre société, en appliquant cette fois-ci sa réflexion à la démocratie et l’art de gouverner. L’usage croissant des « nouveaux » médias implique l’urgence de la mise en place de « Nouvelles Technologies Politiques », permettant de faciliter l’échange et l’exercice du pouvoir entre citoyens et représentants. Le contexte d’échange s’est transformé en étant désigné sous le lieu commun de « démocratie participative », passant du modèle peu interactif de la scène de théâtre à celui de l’arène du cirque. Pourtant, l’utilisation des Nouvelles Technologies Politiques reste encore sous-efficace, par manque de valorisation des dispositifs expérimentés par nos représentants, là où la contribution des citoyens dans l’exercice et la vie politique pourrait favoriser leur agilité, développer leur utilité, augmenter la prédictibilité de leurs décisions ou accroitre leur légitimité. S’appuyant sur de nombreux exemples concrets, de la politique française ou internationale (notamment aux USA avec Barack Obama), Alban Martin montre « la nécessité de penser de nouvelles technologies politiques et de former les représentants à leur usage, plutôt que de garder les recettes de campagne, ou bien reprendre tels quels des outils du secteur privé ». Un ouvrage clair pour ceux qui s’intéressent tout autant aux technologies numériques qu’au champ démocratique. Au passage, voici un entretien à lire absolument.
couple bi sur la valette du var La démocratie Internet, Dominique Cardon, La République des idées (Seuil), 2010.
Lecture tout à fait complémentaire de celle citée précédemment, La démocratie Internet est un ouvrage de vulgarisation sur la révolution numérique et les transformations appliquées à l’espace public en s’appuyant sur quelques exemples d’expériences démocratiques : monde du logiciel libre, militants politiques et expériences transnationales. Dominique Cardon, sociologue et chercheur au laboratoire des usages de France Telecom R&D, lève le voile sur de nombreux débats où Internet tient le rôle du méchant et nous présente d’une manière claire les biais réflexifs des détracteurs des technologies numériques. J’ai trouvé dans cet ouvrage simple (et non pas simpliste !) un éclairage sur le lien entre Internet et le concept d’élargissement de l’espace public, notamment avec l’opposition entre accessibilité et visibilité d’un contenu et la catégorisation de la prise de parole en ligne sous 4 formes : la sphère publique restreinte, le web participatif, le web en clair-obscur et l’espace public. Je vous conseille aussi la lecture de cette interview de Dominique Cardon, « Internet, Nouvel espace démocratique ? » sur la Vie des Idées.
NB : Pour aller plus loin, je vous conseille grandement la lecture de « Médiactivistes » du même auteur (collection Contester, Sciences Po Les Presses, 2010.
Le Sacre de l’Amateur, Patrice Flichy, La République des idées (Seuil), 2010.
Edité dans la même collection que le précédent ouvrage, Le Sacre de l’Amateur est aussi un essai de vulgarisation appliqué au champ des technologies numériques, et plus particulièrement à la figure émergente de « l’Amateur », individu producteur, diffuseur et promoteur de connaissances, d’œuvres et d’idées sans être professionnel. Une figure tampon entre l’élite et le quidam. Je suis plus critique suite à la lecture de ce livre, non pas qu’il présente une thèse erronée, mais plutôt parce que je reste sur ma faim à l’issue du parcours des 90 pages qui composent cet essai. Patrice Flichy, professeur de sociologie à l’université de Marne la Vallée et directeur de la revue Réseaux, m’avait habitué à des analyses plus détaillées, notamment avec son livre phare, L’imaginaire d’Internet, que j’ai dû parcourir une bonne vingtaine de fois…
La Galaxie Gutenberg, Marshall Mc Luhan, deuxième édition, HMH, 1967.
Véritable gourou et prophète de l’Internet, c’est toujours un plaisir de lire et de relire la prose du canadien Marshall McLuhan, auteur de la célèbre phrase « The medium is the message ». Dans La Galaxie Gutenberg, Marshall McLuhan nous plonge dans la profondeur de notre civilisation en nous donnant des clés de compréhension sur les transformations profondes opérées par les technologies de l’écriture et de l’électricité ; l’écriture nous enfermant dans un mode de perception ancien modelé depuis des années par la prédominance du sens de la vue tandis que l’apparition des technologies liées à l’électricité nous fait rebasculer au XXe siècle dans un monde tribal basé sur l’oralité. Plus qu’un livre, La Galaxie Gutenberg est une œuvre profonde.
Walking Dead, Kirkman & Adlard, Delcourt.
Pour finir en “détente” et s’aérer les idées après des lectures parfois complexes, rien de mieux qu’un bon comic rempli de zombies. Les actuels 12 tomes de Walking Dead sont un régal. Dessiné en noir et blanc, Walking Dead est une œuvre originale, pleine de suspens et de rebondissements qui vous tiendra en éveil grâce à des relations complexes entre les personnages survivants dans un monde hostile. L’adaptation de la bande dessinée au format d’une série TV est, en revanche, nettement moins réussie…